mercredi 15 octobre 2014

Tout bourgeon éclot..



 " Leylanorah,

A l'image d'un bourgeon qui après quelques rayons de soleil finit par dévoiler une fleur magnifique, ou à l'image d'un printemps frais balayé par des brises fraîches toujours suivi d'un été chaud. Je suppose que neuf mois de grossesse ne pouvaient que m'offrir une telle merveille.

  Neuf mois, ne sont pas qu'une simple épreuve, il s'agit d'une véritable dimension à part entière, une dimension où tout change. Toi, moi, tous les gens nous entourant. Neuf mois où ton petit ventre mou a abrité l'alliance de nos deux âmes et corps. Une alchimie magnifique, dévorant l'amour comme son aliment préféré. Toutes ces paroles murmurées près de ta peau, tous ces massages, malaxant tendrement les alentours de ton nombril. Toutes ces heures à surveiller la croissance d'un bébé.

 Je n'aurais pas imaginé l'impatience que pouvait engendrer ces neufs longs mois d'attente. L'impatience d'entendre a six mois que ce bébé, encore de genre inconnu, se révèle être une fille. Une fille. Petite, fragile, qui aura besoin de protection, de tendresse. Trois mois, étant bien plus longs que les six premiers.

 Puis l’événement fatidique, le jour-J, où tu donnas naissance à cette enfant sublime. Trois minuscules poils blonds sur le dessus du crâne, deux grands yeux bleus-gris. Une voix à faire trembler les murs de l’hôpital, mais cette frimousse adorable, espiègle. Je la revois saisir pour la première fois ta poitrine de ses petites lèvres, la première fois que j'aurais à la partager. Je me souviens aussi de ses fins doigts, Essayant d'agripper ma peau, essayant de saisir un centimètre carré de la chair dépassant de mes épaules, l'y amenant en la maintenant dans mes bras.

 Nous souriions, le fruit de notre amour et de notre bonheur désormais, gigotait devant nous. La petite Leylanorah rampait partout, dormant énormément, souriant à volonté. Ses yeux commençaient à se refermer un peu, elle avait ta malice, tes grimaces, elle avait ma tête brûlée, mon appétit, nos facilités, notre imagination. Une vraie petite Princesse-monstre. Vint ses premiers mots, ses premières dents, les premières nuits de forte colère où il fallait se pencher au dessus d'elle pour la calmer, ou lui chanter des chansons en l'endormant entre nos deux corps chauds. Cependant, elle n'allait pas passer sa vie en chenille.

 C'est un matin après quelques centaines d'essais, qu'elle réussit à quitter son lit, pour rejoindre notre chambre, et lâcher un adorable : "Papa, maman, j'ai faim." Bien que cette fois-ci le réveil fut délicat, elle n'eut malheureusement pas cette habitude très longtemps. Avec l'école, vint son enjouement, cette explosion qui réveilla de plus belle son espièglerie, la forçant a désormais, tous les samedis matin, sauter sur notre lit pour nous réveiller, en nous chevauchant tour à tour, te faisant froncer les sourcils la priant de te laisser dormir. Ah... Si puisse-t-elle ne pas avoir hérité de mon sommeil court et rapidement régénérateur... Même moi, je commençais à nécessiter un peu plus de sommeil...

 Elle avait désormais un sourire plein de dents, savait compter, lasser ses chaussures, lire, écrire, utiliser les mathématiques. Elle grandissait inexorablement vite. Elle était blonde et  avait finalement des yeux verts, en amande. Nous ne la voyions plus grandir. Tant elle changeait rapidement. Son anniversaire à deux chiffres venait d'arriver, elle changeait d'école. Ses résultats scolaires et sa maturité nous rendaient plus que fiers d'elle. Bientôt elle allait commencer à faire des exploits sportifs au tir à l'arc, t'impressionnant mon épouse, te redonnant même goût à vouloir retourner au tir. Cependant nous commencions à vieillir. Tous les exploits sportifs d'avant n'étaient plus aussi accessibles pour nous.

 Mais elle grandissait continuellement, s'épanouissant, nous surprenant par sa culture acquise année après année. Elle eut son premier petit ami... Un vrai désastre, le pauvre était le premier à se frotter à notre famille. Le premier soir à table, le pauvre était tellement terrifié par nos attitudes qu'il n'arrivait pas à parler convenablement, même pour manger il avait du mal... Nous souhaitions qu'il soit le bon, peut-être était-ce un peu dur pour un premier amour. Mais nous le savions, nous savions ta mère et moi qui allait pouvoir être de confiance. Nous avions fait des efforts par la suite. Beaucoup même, la fois où il nous demanda la permission pour t'amener au cinéma. Puis la première fois qu'il vint à la maison. Découvrant notre étrange quotidien, nos origines, nos prouesses, nos personnes. Mais il fallait s'y faire, ta mère et moi devions nous y faire.

 Cependant, trois ans passèrent. Elle venait d'avoir son bac, avec les félicitations du jury, nous étions si fiers que notre fille fasse ce que nous n'avions pas pu atteindre. Des objectifs plein la tête, toujours le même copain. Tes premières grandes sorties, nos premières angoisses en te voyant partir pour plusieurs semaines, on ne sait où. Nous connaissons les différents milieux où se retrouvaient les jeunes : teufs, bars, soirées étranges, boîtes. Nous savions quels en étaient les dangers, elle aurait peut-être pu nous ménager tout de même.

 Puis vint la première grande crise, que ta mère dut gérer avec des pincettes. Sa première rupture. Sa première petite dépression, la plus importante de toute surement. Puis elle se remit sur pied, et bientôt elle partait de la maison pour aller vivre dans un petit appartement en ville afin de continuer tes études, loin de nous pour la première fois. Loin du cocon familial, loin de ses limites, le fruit de notre bonheur quittait le nid, pour s'envoler comme une grande. Nous avons mis du temps avant de nous faire à ne plus te voir réveillée en même temps que nous pour aller au travail ou à l'école, ne plus te voir partager nos repas du matin et du soir.

 De graine, le bourgeon s'est épanoui, pour qu'en éclose une fleur, qu'un oiseau finira par transporter dans le ciel et ainsi lui permetrte d'atteindre son apogée de croissance.. "

 Nous espérons ta mère et moi, que tu t'es bien installée. Et nous t'aimons, n'oublie pas de nous donner des nouvelles. Nous t'embrassons. Tes parents qui t'aiment.

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