Tous sont agglutinés autour de moi. Ces villes, surpeuplées, cruelles, emplies de nos craintes. Depuis des mois, cette angoisse rôdant dans ma vie me paralysait totalement. Ma situation financière était un échec, j'étais un consommateur. Je n'avais rien demandé à personne. Cependant je rêvais souvent de la même chose, si je pouvais changer ma vie, ne plus vivre dans ces flux constants de population. J'étais algoraphobe surement oui.
Je
m'appelais Vayn, Vayn Auberlaw. Je suis agé de 37 cycles de vie. Je
vis dans un appartement central de New York. Je fais partie de cette
génération d'hommes qui a du affronter les terribles affrontements
de la guerre d'Irak. Nous étions des pions. Innocents, presque
inconscients. Sans vomir de mon propre passé, je ne peux m'y
résoudre, j'ai tué des civils, qui eux non plus tout comme moi,
n'avaient rien choisi. J'avais là dessus une théorie.
Les
hommes sont faits pour être gouvernés, une fois dominés nous
devenons des pions sur un échiquier géant. Cependant certains pions
sont plus puissants que d'autres. Je faisais entre autre partie de
cette élite, que l'on armait grâce aux impôts, que l'on
nourrissait de chair humaine. Les pions "bénéficiaient"
d'un salaire, d'une soi-disante protection.
Il
arrivait que des hommes comme quoi, finissaient par regretter, d'être
identifiés comme n'importe qui, cela nous dérangeait. Nus
critiquions nos systèmes, rêvions de quitter cette planète. Mais
cela ne se pouvait pas. Nous finirions asphyxiés ici, dans les
décombres des sociétés idéales, elles-mêmes noyées par la
consommation de masse.
Parfois,
je me protégeais d'une large veste de cuir, et partais sillonner la
ville. Le brouhaha incessant, les voitures, les populations, diverses
et variées. Le ciel devenait illisible, les panneaux
publicitaires paraissaient lointains. Je scrutais toujours
à l’affût, les ombres dans les ruelles mal éclairées, les
visages mécontents de millions de consommateurs. Plus de croyance,
plus de rêve, rien. Nous ne nous attachions à plus rien
d'impossible, d'irréalisable, l'humain blasé de toute cette
illusion.
Les
affiches défilaient devant moi. Sans y porter attention, je fus
cependant attiré par l'une d'elle.
"Vous
rêvez de vivre loin des autres, vous voulez créer, rêver et
découvrir ? -- Projet Marsgate".
Marsgate...
? Marsgate... ? Qu'était-ce cela encore... Une illusion, un
mensonge. J'étais avisé. On ne pouvait plus m'y prendre. J'avais
grandi dans une société qui piège et blesse. Le doute
m'envahissait. Mes rêves, mes désirs de changements. Et si était-ce
vrai ? Marsgate... Un projet aérospatial, ouvert à tous ? Cela me
gênait, depuis quand les gens communs y avaient-ils droit ?
L'adresse du bas de l'affiche était celle d'une très grande agence
de recrutement en tous genres, dont nous nous servions depuis
longtemps désormais : armée, travail, rencontre amoureuse. Et
maintenant aérospatiale ?
Pourquoi
pas après tout. Je m'ennuyais. Les bus m'y amèneraient.
Le bâtiment
qui abritait ce service, était un ancien Colisée, créé par
le président de cette fondation. Un riche, qui préféra dans le
temps délocaliser des populations et des entreprises pour
s'enrichir, quitte à faire mourir de faim et d'usure ses employés,
ce mec était une ordure. Une brune en tenue trop serrée
tenait l’accueil. Un sourire faux, une chemise vulgaire, celle
qui "emballe" les employés modèles, les pires de tous.
Une voix toute aussi désagréable. Ses yeux fatigués, témoignent
du nombre d'heures supplémentaires qu'elle doit avaler pour pouvoir
vivre.
Elle
me demande pourquoi je viens. Je lui parle de l'affiche, elle se
passe les mains dans les cheveux, et m'indique une pièce située
dans un étage de la bâtisse. Je frappe, j'entre. Deux hommes
en noir attendaient les bras croisés, ceux que l'on nommait gorilles
à l'armée. Aucun mot ne se dit, l'atmosphère se tend, le silence
règne. Alors que mon regard reste fixé sur ces deux armoires à
glace, une voix mielleuse m'interpelle. Un homme est assis
derrière un bureau. Le presse papier de la boîte. Comparé aux deux
autres, celui-ci est ridicule. Il me fait signe de m'asseoir, me
demande de montrer mes papiers.
Je
tire mon portefeuille de ma poche, en sors mes papiers de militaire,
mon relevé d'identité. Lui tends.
Il les
examine lentement :
"
Militaire ? Lance-t-il.
- En
effet. Lui répondis-je.
- Vous
avez...
- Tué
des personnes ? Oui, l'Irak ce n'était pas un jeu, ou alors juste
pour les médias, pas pour nous.
- Hmmm.
Vous vivez seul, marié ?
- Je vis
en couple. Avec mon chat, Miko.
-
Sérieusement ? Vous êtes donc seul. Il regarde mon relevé
identitaire. Bel appartement.
- Oui
l'armée vous couvre les mains de sang et l'âme de troubles, mais
votre banque elle, ne souffre pas.
- Vous
faîtes preuve de culot. Me lache-t-il.
- Esprit.
Lui rétorquais-je.
- Pardon
?
- Je fais
preuve d'esprit, pas de culot.
- Vous
êtes ici pour le Projet Marsgate ?
- Oui."
Il
a cessé de parler; arrêté de poser des questions stupides. Il m'a
tendu une gerbe de papier. Et m'a proposé de passer quelques test
physiques.
Une
fois passés, on m'a dit de rentrer chez moi. Et d'attendre.
Attendre, toujours attendre.
Quatre
mois ont passé, pas de nouvelles, rien. Cela devait être un
canular, les affiches avaient été retiré les semaines d'après.
Voilà ce que c'est de se faire avoir. Les heures passent, comme
chaque jour, l'ennui devient mortel, je risque de finir pendu devant
Miko. Le courrier arrive. Ma dose d’adrénaline quotidienne.
Et dans cette lassitude perpétuelle. Une lettre rouge. L'intitulé :
"PM".
L'enveloppe
contenait une liste d'instructions. Le Projet Marsgate venait d'être
lancé. Le dernier décollage terrien. Surtout le premier pour moi.
On nous indiquait de prendre un avion pour Boston. La NASA.
Le
projet nous avait été expliqué en vol. En vue des crises sociales
et économiques prévues, des directives avaient été prises.
Peupler des planètes voisine à la notre. Mais Mars pensais-je... Il
n'y a pas d'eau, pas d'atmosphère...
L'apprendre
ainsi, m'a fait comme si l'on venait de me dire que l'on allait
abandonner une race. Ce n'était pas nous, mais les terriens qui
seraient laissés en arrière. Mais pourquoi ?
Comme
à chaque complot, une minorité d'individus était prévenue, les
autres seraient sacrifiés. J'avais subi ceci pour la Guerre.
Cependant cette date-là je faisais partie de la minorité. Nous
serions le noyau de ce changement. Le Projet Marsgate... Qu'est ce
que cela voulait-il dire ? Serions nous amenés à voir les autres
s'éteindre. . .