jeudi 5 juillet 2012

Marsgate Project




 Tous sont agglutinés autour de moi. Ces villes, surpeuplées, cruelles, emplies de nos craintes. Depuis des mois, cette angoisse rôdant dans ma vie me paralysait totalement. Ma situation financière était un échec, j'étais un consommateur. Je n'avais rien demandé à personne. Cependant je rêvais souvent de la même chose, si je pouvais changer ma vie, ne plus vivre dans ces flux constants de population. J'étais algoraphobe surement oui.


 Je m'appelais Vayn, Vayn Auberlaw. Je suis agé de 37 cycles de vie. Je vis dans un appartement central de New York. Je fais partie de cette génération d'hommes qui a du affronter les terribles affrontements de la guerre d'Irak. Nous étions des pions. Innocents, presque inconscients. Sans vomir de mon propre passé, je ne peux m'y résoudre, j'ai tué des civils, qui eux non plus tout comme moi, n'avaient rien choisi. J'avais là dessus une théorie.
 Les hommes sont faits pour être gouvernés, une fois dominés nous devenons des pions sur un échiquier géant. Cependant certains pions sont plus puissants que d'autres. Je faisais entre autre partie de cette élite, que l'on armait grâce aux impôts, que l'on nourrissait de chair humaine. Les pions "bénéficiaient" d'un salaire, d'une soi-disante protection.

 Il arrivait que des hommes comme quoi, finissaient par regretter, d'être identifiés comme n'importe qui, cela nous dérangeait. Nus critiquions nos systèmes, rêvions de quitter cette planète. Mais cela ne se pouvait pas. Nous finirions asphyxiés ici, dans les décombres des sociétés idéales, elles-mêmes noyées par la consommation de masse.


 Parfois, je me protégeais d'une large veste de cuir, et partais sillonner la ville. Le brouhaha incessant, les voitures, les populations, diverses et variées. Le ciel devenait illisible, les panneaux publicitaires paraissaient lointains. Je scrutais toujours à l’affût, les ombres dans les ruelles mal éclairées, les visages mécontents de millions de consommateurs. Plus de croyance, plus de rêve, rien. Nous ne nous attachions à plus rien d'impossible, d'irréalisable, l'humain blasé de toute cette illusion.
 Les affiches défilaient devant moi. Sans y porter attention, je fus cependant attiré par l'une d'elle.

"Vous rêvez de vivre loin des autres, vous voulez créer, rêver et découvrir ? -- Projet Marsgate".

 Marsgate... ? Marsgate... ? Qu'était-ce cela encore... Une illusion, un mensonge. J'étais avisé. On ne pouvait plus m'y prendre. J'avais grandi dans une société qui piège et blesse. Le doute m'envahissait. Mes rêves, mes désirs de changements. Et si était-ce vrai ? Marsgate... Un projet aérospatial, ouvert à tous ? Cela me gênait, depuis quand les gens communs y avaient-ils droit ? L'adresse du bas de l'affiche était celle d'une très grande agence de recrutement en tous genres, dont nous nous servions depuis longtemps désormais : armée, travail, rencontre amoureuse. Et maintenant aérospatiale ?

 Pourquoi pas après tout. Je m'ennuyais. Les bus m'y amèneraient.
 Le bâtiment qui abritait ce service, était un ancien Colisée, créé par le président de cette fondation. Un riche, qui préféra dans le temps délocaliser des populations et des entreprises pour s'enrichir, quitte à faire mourir de faim et d'usure ses employés, ce mec était une ordure. Une brune en tenue trop serrée tenait l’accueil. Un sourire faux, une chemise vulgaire, celle qui "emballe" les employés modèles, les pires de tous. Une voix toute aussi désagréable. Ses yeux fatigués, témoignent du nombre d'heures supplémentaires qu'elle doit avaler pour pouvoir vivre.

 Elle me demande pourquoi je viens. Je lui parle de l'affiche, elle se passe les mains dans les cheveux, et m'indique une pièce située dans un étage de la bâtisse. Je frappe, j'entre. Deux hommes en noir attendaient les bras croisés, ceux que l'on nommait gorilles à l'armée. Aucun mot ne se dit, l'atmosphère se tend, le silence règne. Alors que mon regard reste fixé sur ces deux armoires à glace, une voix mielleuse m'interpelle. Un homme est assis derrière un bureau. Le presse papier de la boîte. Comparé aux deux autres, celui-ci est ridicule. Il me fait signe de m'asseoir, me demande de montrer mes papiers.

 Je tire mon portefeuille de ma poche, en sors mes papiers de militaire, mon relevé d'identité. Lui tends.
Il les examine lentement :
" Militaire ? Lance-t-il.
- En effet. Lui répondis-je.
- Vous avez...
- Tué des personnes ? Oui, l'Irak ce n'était pas un jeu, ou alors juste pour les médias, pas pour nous.
- Hmmm. Vous vivez seul, marié ?
- Je vis en couple. Avec mon chat, Miko.
- Sérieusement ? Vous êtes donc seul. Il regarde mon relevé identitaire. Bel appartement.
- Oui l'armée vous couvre les mains de sang et l'âme de troubles, mais votre banque elle, ne souffre pas.
- Vous faîtes preuve de culot. Me lache-t-il.
- Esprit. Lui rétorquais-je.
- Pardon ?
- Je fais preuve d'esprit, pas de culot.
- Vous êtes ici pour le Projet Marsgate ?
- Oui."

 Il a cessé de parler; arrêté de poser des questions stupides. Il m'a tendu une gerbe de papier. Et m'a proposé de passer quelques test physiques.
 Une fois passés, on m'a dit de rentrer chez moi. Et d'attendre. Attendre, toujours attendre.

 Quatre mois ont passé, pas de nouvelles, rien. Cela devait être un canular, les affiches avaient été retiré les semaines d'après. Voilà ce que c'est de se faire avoir. Les heures passent, comme chaque jour, l'ennui devient mortel, je risque de finir pendu devant Miko. Le courrier arrive. Ma dose d’adrénaline quotidienne. Et dans cette lassitude perpétuelle. Une lettre rouge. L'intitulé : "PM".

 L'enveloppe contenait une liste d'instructions. Le Projet Marsgate venait d'être lancé. Le dernier décollage terrien. Surtout le premier pour moi. On nous indiquait de prendre un avion pour Boston. La NASA.

 Le projet nous avait été expliqué en vol. En vue des crises sociales et économiques prévues, des directives avaient été prises. Peupler des planètes voisine à la notre. Mais Mars pensais-je... Il n'y a pas d'eau, pas d'atmosphère...
 L'apprendre ainsi, m'a fait comme si l'on venait de me dire que l'on allait abandonner une race. Ce n'était pas nous, mais les terriens qui seraient laissés en arrière. Mais pourquoi ?

 Comme à chaque complot, une minorité d'individus était prévenue, les autres seraient sacrifiés. J'avais subi ceci pour la Guerre. Cependant cette date-là je faisais partie de la minorité. Nous serions le noyau de ce changement. Le Projet Marsgate... Qu'est ce que cela voulait-il dire ? Serions nous amenés à voir les autres s'éteindre. . .