mardi 5 mars 2013

Mon Désert...


  Il n'y a que ce lieu  Celui de tous les troubles. Dépourvu de toute rationalité  de toute construction. La lumière y est une rareté, le jour et la nuit se confondent. Un monde qui n'évolue jamais. Le sable y est infini, il y est contraignant, il bloque ou ralentit toute progression. A quoi cela rime-t-il ? Pourquoi ne pas créer un univers dans lequel j'y serais apaisé ?

  Il me fallait un désert, dans lequel même en étant le Roi, je reste impuissant. Un pessimisme omniprésent, une marche en aveugle, un espace à la fois immense et infini mais clos, dans lequel je suis confiné. Suis-je un prisonnier ? Ne fais-je que le subir ?

 Je n'en sais rien. Cette immensité n'est-elle pas que le plus simple des moyens pour m'isoler et ainsi me protéger tout ce qui est à l'extérieur ? Ne suis-je pas qu'un être qui a pris conscience du danger qu'il pouvait engranger ? J'avais choisi ma prison, j'y noierais ma rancoeur, ma colère. Qu'incarnais-je ? Qui suis-je ? Le Roi bien à l'image de ce monde chaotique ? La victime égarée dans ses troubles et entre ses différents conflits qui prennent place en moi ?

 Ne serait-ce pas là, l'image que je contemple de mon propre être et qui m'est terrifiante ? Ne me dis-je pas que ce monstre que j'ai enfermé n'a que sa place dans ce vide, une sanction perpétuelle, que je traînerais derrière moi toute ma vie comme un boulet.

 Pourtant parfois, la haine change ma façon de voir. Je respire l'air de ce désert. J'y crée des montagnes que je détruis sans cesse, ni retenue, j'exprime ma rage, ma colère. Mes griffes, dures, pourpres, se plantent dans la roche, la déchirant. Mes ailes noires me protégeant des éclats qui pourraient m'atteindre. Mon corps est devenu un allié. Je matérialise tout ce que je veux. Je ferais d'une merveille magnifique, un vulgaire château de cartes que je prendrais plaisir à détruire.
  Je fais de mon être le responsable d'un génocide. Mes mains en sont ensanglantées  Cela ne m'effraie pas. J'accepte le monstre qui dort en moi, je comprends son isolement, je comprends sa frustration digne d'un enfant. J'utilise sa force, sa ténacité, sa force morale, sa réactivité.

 Et quand je lève les yeux en direction du ciel du désert, je sais que derrière cette barrière de nuages, il y a un autre monde, celui dans lequel les rêves sont, celui où est resté le petit garçon rêveur que j'étais. Etre d'obscurité alors que je suis encore dans la lumière, qui suis-je ? Suis-je fou ? Ou est-ce le poids de la juste mesure ? Ce désert n'est peut-être qu'après tout, l'image surréaliste de la réalité, ou alors juste l'équilibrage du monde des rêves et de celui de l’Éternel Cauchemar. Tout n'est pas rose, tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir.

 Suis-je un animal en cage ? Suis-je un Roi en pleine possession de ses moyens ? Ce désert n'est peut-être pas totalement une prison. Juste une immense pièce dans laquelle je libère ma fureur, mon instinct, cette électricité instable qui crée ce brasier dévoreur...

lundi 4 mars 2013

Mes yeux dorés...


 Tout aussi loin que je m'en souvienne...

 Alors que j'étais jeune et à peine conscient, une étoile confia à mes perles incolores des étranges attributs. Cette dernière se pencha au-dessus de mon visage enfantin et me glissa ce qui allait me permettre de voir, de contempler. Elle me fit comprendre que j'allais acquérir un don qui pourrait aussi parfois être un piège.

 Ainsi, elle donna à mes yeux la capacité de changer de couleur, chacune d'elle étant particulière. Elle lia le vert émeraude à ma colère, fît du pâle ciel bleu la lumière de mon anxiété, et donna à ma bonne humeur, la couleur de la terre et de l'écorce. Elle me précisa que plus tard je connaîtrais une dernière couleur. Celle de l'or. Celle de l'éclat des étoiles et de la chaleur du Soleil.
 Mais, avant de disparaître aussi vite qu'elle ne m'était apparue, elle me dit quel était le piège de ce don. Mes yeux me trahiraient. Trop crus et trop significatifs, ils en étaient incorruptibles. N'obéissant qu'à mon humeur. Leur franchise serait telle, qu'elle ne verrait aucune faille affecter leur pureté et leur sincérité.

 Des années passèrent. Le désert sans fin dans lequel j'errais avait rempli mes yeux d'une colère muette, d'une angoisse gelée. Les couleurs mornes et tristes de ce lieu avaient inhibé mon don. Jamais mes yeux n'allaient acquérir les attributs solaires et stellaires que l'on m'avait pourtant confié.

 Ce monde aussi sombre que vide, ne laissait aucun repère à laquelle ma vue pouvait s'accrocher. Ces dunes immenses, nomades, dont je ne faisais qu’espérer de ne les avoir jamais vues. Je me perdais dans cette immensité vide. Puis un jour, un point doré apparut dans ce ciel noir. Il fut mon guide dans cet univers de perdition.
 Cette étoile filante, finit par cesser de courir la nue pour stagner au-dessus d'une montagne de roche noire. Je l'escaladais, cette paroi infinie, durant des jours et des nuits. Atteignant enfin le sommet, j'y découvrais une jeune femme aux cheveux d'or, y dormant en boule.

 Sa peau était nue. Je l'entendais grelotter de tout son être. Et pourtant une étrange sensation s'emparait de moi. Une boule allait se loger dans mon ventre. Je sentais le froid tel qu'elle devait le sentir, ce givre éternel dans ce désert. Elle tremblait. Je m'approchais d'elle, et elle se réveillait, sursautant. Cachant son corps dénudé de ma vue.
 Elle aperçut que mon regard s'était arrêté sur son visage. Ses cheveux virevoltaient sous la brise glaciale qui balayait et faisait se mouvoir les dunes. Je m’avançais vers elle. Elle s'était immobilisée.

 Mes ailes noires se déplièrent et l'enveloppèrent. Son souffle froid se réchauffa, elle cessa de trembler. Elle releva la tête qu'elle avait au préalable abaissée et je pus voir ses yeux. Un noir étincelant  Deux pierres du bout du monde. Magnifiques. Mon coeur se mit à battre, sensation que j'avais oublié. une chaleur qui m'apaisa. Nos regards se croisèrent. Ses mains traversèrent les tissus qui protégeaient mon abdomen. Elle y déposa ses mains fraîches et se blottit contre moi.

 Des heures passèrent, son corps fut réchauffé. Elle me demanda ce que je faisais dans ce désert vide et morne. Mon errance, mes questions.
 Puis, elle regarda mes yeux et me questionna  pour savoir comment cela se faisait-il qu’ils soient de la même couleur que ses cheveux, dorés.
 L'instant se figea. Je compris. Cette chaleur, cette sensation si particulière. Cet éclat qui déchirait le froid et l'obscurité de ce monde sombre. J'étais amoureux. L'amour serait cette lumière qui illuminerait mes yeux d'or. L'amour envers cette jeune femme venue des étoiles...

 Ecoutant mon histoire, elle choisit de me suivre, de marcher avec moi dans cet océan noir. Et aujourd'hui, comme depuis que nous nous connaissons, elle sait que mes yeux ne sont d'or que lorsque sa présence les éclaire...