mardi 24 avril 2012

Au travers du miroir.


 Les cloches résonnent dans ce ciel orange... Mes mains sont jointes. Accroupi devant l'autel de ma dernière heure, je songe à ce que mes yeux ont vu, et qu'ils ne pourront plus jamais voir. Je saisis le miroir de ma jeunesse, et passe mon visage au travers de ce vitrail aqueux...


 Je me souviens de ce champs de coquelicot, dont l'atmosphère se chargeait en pollen. Et de cette jeune fille... Ses mains semblaient avoir entourer l'étendue fleurie d'une vitre invisible. Ce terrain était son endroit secret. Ses cheveux étaient des rayons de soleil se balançant au gré des vents tièdes... Ses yeux étaient des vitraux qui donnaient sur le ciel bleu, tant leur éclat couleur saphir était envoûtant. Je la revois encore caresser les coquelicots tout en chantonnant un air gai...

 Cette vitre, je l'ai touchée toute ma vie. Je contemplais ce paradis terrestre. Je m'asseyais devant sa prairie tous les jours. Elle illuminait ce coin de la planète rien qu'en dansant. Parfois, je l'ai peinte, j'ai écrit des poésies en l'honneur de sa grâce et de cette beauté intemporelle.
 Toute ma vie, j'avais contemplé ce vitrail haut en couleurs, comme je regardais attentivement chaque soir les étoiles luisantes qui vivaient au dessus de ma maison... Je tendais la main pour atteindre ce que me bloquait ces vitres...

 J'avais redoublé d'effort pour pouvoir aller dans ce champs de coquelicots, pour pouvoir enfin parler à cette jeune femme aux cheveux ensoleillés... J'avais mille et une fois essayé, de m'envoler dans le ciel étoilé pour aller dormir contre les astres... Seulement ces vitres restaient là.

 Je m'effondrais en larmes devant mon incapacité, je frappais aussi fort que je le pouvais pour traverser ces vitres... Mes mains percutaient avec violence ce vitrail du rêve, qui restait intacte, immobiles, moqueur... Je perdais espoir, je retournais devant le champs pourpre. La tête dans les mains...

 J'entendis un bruit de choc. La jeune femme se tenait contre la vitre, elle me regardait. Je m'approchais rapidement de cette barrière. Elle étendit sa main sur la surface incassable, m'incitant à en faire de même. Je la posai, elle me sourit... Puis elle disparut...


 La jeune femme aux rayons de soleil et au ciel bleu, partit à jamais de mon, Monde. Les étoiles cessèrent de briller. Je plaçai une vitre autour de moi. Je m'enfermai à jamais dans cet endroit clos...

 Mes yeux s'ouvrirent... J'étais dans cette église. Les vitraux multicolores éclairaient de milles feux, la pièce de tristes pierres. Je voulais m'en aller, en finir... Vivre avec un rêve, mais sans jamais le saisir... Je ne pouvais le supporter. La porte de la cathédrale s'ouvrit... Une femme arriva pour rompre ce silence morne. Sa chevelure blonde flottait encore et toujours, ses yeux bleus vinrent remplir mon océan de joie. Elle était vêtue d'une robe de coquelicot entrelacés les uns avec les autres...

 Nous marchions l'un vers l'autre, quand une vitre nous bloqua... Elle tendit la main, j'en fis autant... La vitre éclata... Mon rêve s'accomplissait...


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