mardi 17 avril 2012

Ses yeux brillants...


 Loin du hurlement houleux des peuples humains, loin de toutes ces civilisations bétonnées... Deux diamants scintillent sous la Lune. La stature fine d'un Dieu brille sur le versant d'une montagne, son courroux et son mépris lui ont donné un pelage agressif et argenté. L'Homme lui a offert des pierres au bout de ses griffes brillantes. Ce lapidaire émerveillé, ce fou passionné, tailla les montagnes et dévora la Terre pour lui donner ces joyaux lumineux.
 La bête, dont le souffle chaud balaye les pics, voit encore les peuples meurtriers lapider ses semblables. Son hurlement passe où ceux de tous les hommes trépassent. Il est fier en haut de sa montagne, malgré la douleur qu'il subit, malgré ce fardeau qu'il transporte, à chercher désespérément ces joyaux si brillants. Sa liberté, sa course effrénée. De ses grands yeux luisants, couleur vert émeraude, il traque le lapidaire qui lui inculqua cette envie matérielle.

 Ce loup assoiffé de vengeance, parcourt tous les sols du Monde, il se faufile entre les corps humains, traversant les différentes essences féminines, il se glisse, tapi dans ce brouhaha incessant. Ses yeux immenses et cristallins, scrutent les poignets et les cous de ces êtres dressés. Il y voit les mêmes poignards qui avaient servi à massacrer ses frères et soeurs, les mêmes que le lapidaire, lui avait incrusté dans la chair. Ce poison d'or coulant dans les veines, qui ronge et dissout la volonté de tous, remplaçant la liberté par des chaînes en argent massif, contraignantes et éreintantes, il rêve de les déchiqueter de ses crocs brillants.
 Sa rage, il la traîne comme un boulet, comme un assassin garde sa dague à sa ceinture. La bête argentée avait quitté sa montagne blanche comme la nacre, errante dans un désert immobile. Laissant un vent glacial pétrifier la végétation sous son passage. Son souffle d'espoir, ses crocs de diamants acérés, son pelage hérissé, l'animal terrifiant s'introduisait dans nos cultures malsaines.

  Il faisait face au lapidaire qui inonda les canyons désertiques de rivière de rubis. Des rubis pourpre comme le sang qui servit d'outil aux pioches et aux esclavagistes. Cet animal fier et solitaire comme le soleil, libre comme le vent, avait perdu ses proches, lapidés par des pierres brillantes et brûlantes comme le crachat des volcans. Sa haine dorée, son regard froid comme l'ambre, le loup furieux s'approchait du lapidaire. Qui de ses doigts crochus, avait perverti les peuples humains, les faisant rêver de posséder des diamants tachés par le sang et les larmes.

 Cette nuit-là, le loup regagna sa montagne, il pleura une dernière fois les joyaux éternels qu'il vît dans le ciel nocturne. Sa fourrure se tacha de rubis, ses yeux s'emplirent de diamants. Son âme, endurcie comme un cristal poli, maudit à jamais le lapidaire, qui incrusta de lampadaires minuscules notre volonté, désormais assoiffée de lapis.

 Le hurlement frappa une dernière fois la crainte des habitants des montagnes, entendant de leurs maisons, le râle d'un Dieu s'éteignant, tué par les balles d'or...



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