samedi 21 avril 2012

Sous ma vue...


 Ma vision trouble de cette nuit d'été, me rappelait que mes yeux étaient faibles, vieillissant. Je tentais tant bien que mal de scruter cet horizon, trop incertain pour être réel... Trop émouvant pour être irréel. Je fermais mes paupières...

 J'ouvrais mes yeux face à cet étang et ce petit cours d'eau, courant à travers les fougères et les grenouilles. Je trempais mes mains lentement dans l'eau trouble, trouble comme mes idées, comme mes sentiments. De fines pellicules vertes flottaient à la surface de cette poignée d'eau fraîche. Des lentilles, douces, fragiles remuaient sous mes mouvements dociles. Je voulais les conserver, je souhaitais que jamais ma main ne se renverse. Un choc me faisait tressaillir.

 Je relevais le visage, couvert d'une endure désagréable, collante, séchant à une vitesse folle. Tout autour de moi, des millions de cris. Un brouhaha gênant, qui vous empêtre. Le rire moqueur des autres, des regards narquois, des larmes coulant des yeux. Je m'essuyais le visage, plein de lentilles, plein de honte. Un petit garçon venait de m'aplatir le visage dans mon assiette. Ce sentiment si dur. De sentir tous les regards posés sur vous. Mes jambes fines glissaient de la chaise. Je m'affalais au sol, je souhaitais que ce cauchemar cesse. Le froid du sol de la cantine sur mes joues. Je fermais les yeux.

 Nageant dans l'Espace, je me réveillais. J'étais le prince des Etoiles. Comme si j'étais penché au-dessus d'une assiette, je contemplais les astres brillants comme une purée de lentilles. Écrasées les unes sur les autres. Les douces lumières de la nuit scintillaient sans bruit. Les bras croisés, je prenais le temps de leur murmurer quelques mots. Je disais à certaines de s'éteindre, que leur longévité touchait à sa fin, je demandais à d'autres de briller davantage. J'étais là à regarder cet océan infini, ce mélange de couleurs et d'odeurs.

 Je pensais à ce petit garçon de la forêt, qui aura besoin de ces lentilles scintillantes pour retrouver son chemin lorsqu'il se perdra. Je pleurais pour le garçon qui cherchait, le visage couvert de lentilles, le sillon pour aller nager dans les étoiles qu'il contemple depuis si longtemps...

 Je m'endormais lentement, fermant les yeux devant cette purée de lentilles. Je régnais depuis peu... Sur le Monde silencieux...


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