Ma vision trouble de cette nuit d'été, me rappelait que mes yeux étaient faibles, vieillissant. Je tentais tant bien que mal de scruter cet horizon, trop incertain pour être réel... Trop émouvant pour être irréel. Je fermais mes paupières...
J'ouvrais
mes yeux face à cet étang et ce petit cours d'eau, courant à
travers les fougères et les grenouilles. Je trempais mes mains
lentement dans l'eau trouble, trouble comme mes idées, comme mes
sentiments. De fines pellicules vertes flottaient à la surface de
cette poignée d'eau fraîche. Des lentilles, douces, fragiles
remuaient sous mes mouvements dociles. Je voulais les conserver, je
souhaitais que jamais ma main ne se renverse. Un choc me
faisait tressaillir.
Je
relevais le visage, couvert d'une endure désagréable, collante,
séchant à une vitesse folle. Tout autour de moi, des millions de
cris. Un brouhaha gênant, qui vous empêtre. Le rire moqueur des
autres, des regards narquois, des larmes coulant des yeux. Je
m'essuyais le visage, plein de lentilles, plein de honte. Un petit
garçon venait de m'aplatir le visage dans mon assiette. Ce sentiment
si dur. De sentir tous les regards posés sur vous. Mes jambes fines
glissaient de la chaise. Je m'affalais au sol, je souhaitais que ce
cauchemar cesse. Le froid du sol de la cantine sur mes joues. Je
fermais les yeux.
Nageant
dans l'Espace, je me réveillais. J'étais le prince des Etoiles.
Comme si j'étais penché au-dessus d'une assiette, je contemplais
les astres brillants comme une purée de lentilles. Écrasées les
unes sur les autres. Les douces lumières de la nuit scintillaient
sans bruit. Les bras croisés, je prenais le temps de leur murmurer
quelques mots. Je disais à certaines de s'éteindre, que leur
longévité touchait à sa fin, je demandais à d'autres de briller
davantage. J'étais là à regarder cet océan infini, ce mélange de
couleurs et d'odeurs.
Je
pensais à ce petit garçon de la forêt, qui aura besoin de ces
lentilles scintillantes pour retrouver son chemin lorsqu'il se
perdra. Je pleurais pour le garçon qui cherchait, le visage couvert
de lentilles, le sillon pour aller nager dans les étoiles qu'il
contemple depuis si longtemps...
Je
m'endormais lentement, fermant les yeux devant cette purée de
lentilles. Je régnais depuis peu... Sur le Monde silencieux...
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